La main légère comme une plume
La pensée glisse dans l'encre vermillon
Et même en écrivant le lourd mot "enclume"
Les lettres volent comme des papillons
A la grande terrasse du café, les tables sont vides
Seul un couple est assis, tous le regardent prendre un verre
Ils n'osent parler, et aimeraient l'arrivée d'êtres grégaires
Là dans la foule, ils seraient protégés, moins timides
Mais dans le brouhaha, il leur faudrait crier ou se taire
Aux tables des cafés, les amoureux sont souvent impavides
Pour te regarder sans que tu me voies
Je te précède le long de l'immense glace
Et ton reflet, je le suis à la trace
Mon désir, mon envie, je te les renvoie
Il n'y avait plus d'oiseaux
Au dessus des camps de la mort
Mais quand de la fumée surgit un corbeau
Pas de mauvais sang, pas de mauvais sort
C'est juste d'une usine un fourneau
Qui crache au ciel des volutes comme décor
Le canal, c'est banal, est fier de ses peupliers
La pluie, c'est l'ennui, vient tout brouiller
Et du ruban d'eau et des majestueux trembles
Naît un nouveau et singulier ensemble
Le canal, c'est rituel, est bien déçu
La pluie, c'est connu, prend le dessus
Promeneur plains les petits canaux
A plat ventre, ras, le ciel sur leur dos
Regardez comme le jardinier agit,
Qu'il soit le Nôtre ou "the girl next door"
Sa main façonne un végétal paradis
A Versailles, avec des jets, des ors
Ou sur un modeste balcon exquis
Les fleurs devenues par sa main, des corps.
Aux hommes mûrs et las, aux terrasses des cafés
Les femmes trentenaires qui passent indifférentes
Crient de beauté, et ravivent les intimes ententes
Qu'ils ont connues sur des draps chauds et froissés
Ta vie, tu l’écris en couleurs
La plume dans mille encriers
La tête sur cent oreillers
Et pourtant tu te leurres
Tu les entends s’écrier
Reste à moi, demeure !
N’haïssez pas novembre, le pluvieux
C’est le temps de se mettre à table
Et d’être à la fourchette déraisonnable
Bolets, civets, potées et pot-au-feu
A s’en faire exploser le râble
Et les longues nuits pour être à deux
Le métro est pavé de blanche faïence
Et truffé d'escaliers et de miroirs
Dans la bousculade des correspondances
J'attends, stoïque, pour y voir
Une échancrure, une défaillance
D'une robe sur une chair ivoire